Annie Ernaux est une écrivaine française née le 1er septembre 1940 à Lillebonne, en Normandie. Elle est l'une des auteures les plus importantes de la littérature française contemporaine, connue pour ses œuvres autobiographiques qui explorent les thèmes de la mémoire, de l'intimité, de la condition féminine, et de la société française. Ernaux a grandi dans un milieu modeste, et beaucoup de ses livres sont inspirés de son propre parcours de vie, de son enfance et de sa jeunesse en Normandie, ainsi que de ses expériences en tant que femme. Annie Ernaux a commencé sa carrière littéraire dans les années 1970 avec la publication de "Les Armoires vides" (1974), un récit semi-autobiographique qui retrace sa jeunesse et son avortement clandestin. Son œuvre se caractérise par une écriture sobre, dépouillée et souvent clinique, où elle examine minutieusement ses souvenirs personnels pour explorer les réalités sociales et les expériences collectives.


I - Thème principal : l'avortement et la condition féminine

"L'Événement" aborde le sujet de l'avortement clandestin, une expérience personnelle et douloureuse pour Annie Ernaux. Elle met en avant les sentiments qu’elle a ressenti lors de cet évènement, notamment la solitude et la peur, tout en explorant les implications sociales et culturelles de l'avortement à une époque où le contrôle sur le corps des femmes étaient largement exercé par des lois patriarcales et répressives, et donc pendant laquelle l’avortement n’était en réalité pas une option pour les  femmes.

L’auteure utilise donc son expérience personnelle comme une base solide pour traiter d'un sujet universel, concernant toutes les femmes, quelque soit leur origine, leur religion, leur culture : le droit des femmes à disposer de leur propre corps. Le poème n'est pas seulement une documentation d'un événement, un regard sensible et objectif  sur un phénomène faisant encore aujourd’hui trop de tabous, mais un commentaire social sur les restrictions imposées aux femmes et sur les jugements moraux et sociaux qui entourent la question de l'avortement.


II - Style d'écriture et technique narrative présents dans le récit

Le style d'écriture d'Annie Ernaux dans L'Événement est clinique et factuel, dénué de toute émotion apparente, pour raconter son expérience. Cette approche détachée permet au lecteur de se concentrer sur l'horreur et la brutalité de la situation sans être distrait par des sentiments sentimentaux. Cette technique narrative, qu'on pourrait qualifier de minimaliste, accentue la violence du processus d'avortement clandestin et le traumatisme qu'il inflige.

La narration est souvent fragmentée, passant d'une réflexion introspective à une description détaillée des événements. Ernaux alterne entre le passé et le présent, utilisant des souvenirs pour explorer comment cet événement continua, par la suite, d'affecter sa vie. Cette structure narrative met en évidence le processus de mémoire et d'oubli, un thème récurrent dans ses œuvres.


III - Exploration de la mémoire et de la temporalité

"L'Événement" est également une exploration de la mémoire, un thème central dans l'œuvre d'Ernaux. Elle questionne la manière dont la mémoire fonctionne et comment les souvenirs d'expériences traumatiques peuvent s'estomper ou se raviver. Ernaux montre comment l'événement de son avortement reste ancré dans sa mémoire, influençant sa perception de soi et de son corps. Elle utilise son écriture pour tenter de capturer la réalité de cet événement, tout en reconnaissant les limites de la mémoire et du langage pour représenter complètement une expérience vécue.


IV - Contexte historique et social

  "L'Événement" se déroule principalement en 1963, une période où la société française est encore marquée par des normes sociales conservatrices. En ce début des années 1960, la France est une société patriarcale où le contrôle du corps des femmes, notamment à travers les lois sur la contraception et l'avortement, est strictement exercé. À cette époque, l'avortement est non seulement illégal, mais également perçu comme un tabou moral et social.   En 1963, la loi française, en vertu du Code pénal (Articles 317-320), interdit l'avortement sous toutes ses formes. Les femmes qui choisissent de mettre fin à une grossesse, ainsi que les personnes qui les assistent, risquent des peines sévères, y compris la prison. 

Les années 1960 sont également une période d'émergence des mouvements féministes qui commencent à revendiquer des droits reproductifs pour les femmes, y compris le droit à l'avortement et à la contraception. Ces revendications culmineront dans les années 1970 avec des mouvements plus larges pour la libération des femmes. En 1971, le "Manifeste des 343", signé par 343 femmes (dont de nombreuses personnalités comme Simone de Beauvoir et Catherine Deneuve), qui déclarent publiquement avoir avorté, marque un tournant dans la lutte pour la légalisation de l'avortement en France.  Ce n'est qu'en 1975, plus de dix ans après l'expérience racontée par Ernaux, que la loi Veil est adoptée, légalisant l'avortement en France. 

Cette analyse a été rédigée par une rédactrice MyStudies dans le cadre d'une commande qui a été évaluée à 5 étoiles - faites également appel à nos services de rédaction de devoir !


Dans "L'Événement", Annie Ernaux utilise son vécu pour illustrer l'oppression des femmes et les dangers auxquels elles étaient confrontées lorsqu'elles n'avaient pas accès à des soins de santé sûrs et légaux. Le récit est un acte de témoignage et de résistance, donnant une voix à celles qui ont souffert dans le silence et l'ombre. L'œuvre contribue également à une prise de conscience historique des conditions dans lesquelles vivaient les femmes avant la légalisation de l'avortement, tout en soulignant l'importance de la mémoire collective et de l'écriture comme formes de résistance et de revendication de droits.